
AKSHI
UPANISHAD – VERSET 13
«Ainsi
qu’un serpent se dépouille de sa mue, l’adepte se dépouille de
l’attachement, même ténue aux objets – attachement que peuvent
intensifier l’orgueil, la vanité, l’intolérance, l’avidité
et l’illusion.»
Au fil de sa progression spirituelle, l’aspirant à la sagesse voit sa perception du monde évoluer. Passer d’une condition d’existence à une autre, comme le serpent se débarrasse de sa mue. L’adepte délaisse sa peau usée, étriquée, qui renfermaient les attractions et les attachements matériels, afin de continuer à grandir et poursuivre son chemin de transformation intérieure. Sans cette métamorphose indispensable pour accéder au bonheur suprême et à l’ultime connaissance, le chercheur spirituel serait contraint de persévérer dans une vie régie par l’ignorance et la souffrance. Car l’attachement, entre autres, constitue un mal infectieux qui gangrène et conduit les êtres non-éveillés à l'asservissement total envers les phénomènes sensoriels. Par ailleurs, plusieurs comportements névrotiques, dont les esprits troublés font régulièrement l’objet, participent également à renforcer ce fléau que personnifie l’attachement. Tout d’abord, par l'orgueil, l’individu non-éveillé s’évertue à croire que ses possessions matérielles le placent au dessus de ceux qui en détiennent moins et lui confère ainsi un sentiment illusoire de supériorité à l’égard de ses congénères. Aveuglé par la montagne d’objets qu’il a érigé autour de lui, il n’a plus en vue que sa situation pourrait à chaque instant s’écrouler face à la moindre secousse (maladie, drames, accidents de la vie) provoquée par les aléas de l’existence. Par la vanité, l’esprit ordinaire s’accroche encore et toujours aux objets et aux situations sociales comme si ils et elles étaient véritablement en mesure de lui apporter un quelconque sens sur la plan existentiel. Mais au regard de leur impermanence et leur superficialité, les phénomènes ne permettent en réalité aucun cheminement profond qui puisse combler avec efficacité la sensation de vide intérieur ressentie par tous ceux et celles qui ont perdu le contact avec leur dimension spirituelle. Par l’intolérance, les attachements matériels sont accentués en empêchant l’être non-éveillé de s’ouvrir à d’autres perspectives et solutions de bien-être en dehors de toutes ses obsessions matérielles. En le maintenant dans l’illusion que la matière constitue la seule option valable pour soigner ses maux existentiels, elle l’encourage également sans cesse à se battre, au détriment de valeurs nobles et éthiques, afin qu’il persévère sur un chemin au sein duquel aucun espoir de libération est possible. Par l’avidité, l’individu non-éclairé entretient une relation viscérale avec le monde sensoriel à tel point que celui-ci est facilement disposé à se complaire dans l'ignorance, la violence, le mensonge, la souffrance, l’égoïsme et la destruction, pour étancher sa soif de désirs multiples ou pour conserver ce qui se trouve déjà en sa possession. Père, mère, amis, plus rien ni personne ne compte pour lui quand la convoitise se fait ressentir avec intensité. L’illusion, enfin, apporte elle aussi toute sa contribution aux désordres liés à l’attachement. Elle convainc les ignorants de leur Pure Conscience que les objets matériels et les distractions sociales et sensorielles peuvent incarner une source sérieuse de bonheur véritable et qu’il faille, par conséquent, tout mettre en œuvre pour en obtenir les «précieuses» faveurs. Néanmoins, le sage sait intimement que la nature impermanente de ces phénomènes, qui apparaissent et disparaissent sans cesse pour un oui ou pour un non, ne sont au final nullement capables de représenter un support fiable de bien-être et de sérénité. Et que de conditionner son bonheur à des facteurs extérieurs à lui-même, sur lesquels il n’a aucun contrôle, ne peut mener au bout du compte qu'à la souffrance et à des satisfactions fragiles et éphémères.