
En parcourant un peu les sites internets dĂ©diĂ©s au dĂ©veloppement personnel ainsi qu’à la spiritualitĂ© et en Ă©coutant quelques podcasts, j’ai Ă©tĂ© assez stupĂ©fait d’observer qu’un nombre important de coaches et d'instructeurs vantaient les bienfaits d’une spiritualitĂ© simple et sans contrainte. Une sorte de spiritualitĂ© Ă©dulcorĂ©e qui selon eux n’impliquerait qu’une somme d’efforts modĂ©rĂ©s et Ă l’intĂ©rieur de laquelle une pratique occasionnelle suffirait pour rĂ©colter les fruits d’un bien-Ăªtre intĂ©rieur assurĂ©. J’ai pu Ă©galement lire qu’il n’était pas nĂ©cessaire de mĂ©diter rĂ©gulièrement mais qu’une ou deux fois par mois pouvait aisĂ©ment faire l’affaire. Que la spiritualitĂ© Ă©tait avant tout et surtout une question de connexion avec soi-mĂªme et qu’une pratique trop exigeante Ă©tait finalement contraire Ă l’essence mĂªme de la spiritualitĂ© qui doit, selon eux, Ăªtre libĂ©rĂ©e de tous carcans. En prenant connaissance de ces propos bien curieux, je me suis alors demandĂ© de quelle Ă©toffe pouvait Ăªtre constituĂ©e cette spiritualitĂ© dont ils faisaient l’éloge ? Et quelles Ă©taient pour eux les caractĂ©ristiques d’un travail spirituel raisonnablement accompli ? Il m’est apparu deux façons de rĂ©pondre Ă cette interrogation : considĂ©rer la spiritualitĂ© comme une discipline exotique censĂ©e prodiguer quelques moments de bien-Ăªtre relatifs et Ă©parpillĂ©s par ci par lĂ . Ou s’inscrire dans un dĂ©marche profonde et motivĂ©e afin de viser une transformation qui permette Ă l’individu de retrouver son autonomie ainsi qu’une sĂ©rĂ©nitĂ© intĂ©rieure suffisamment stable et solide pour faire face au vents contraires de l’existence.
C’est Ă partir de cette rĂ©flexion que j’ai dĂ©cidĂ© d’écrire ce premier billet afin d’essayer d’approfondir un peu plus cette problĂ©matique. Avant de commencer, il me paraĂ®t important d’établir une dĂ©finition de ce qu'est la spiritualitĂ©. Celle qui me vient spontanĂ©ment Ă l’esprit est la suivante : la spiritualitĂ© regroupe un ensemble de croyances et de pratiques dont l’ambition est d’amener lâ€™Ă¢me humaine Ă Ă©voluer jusqu’à son degrĂ© le plus Ă©levĂ©. L’éveil ou la rĂ©alisation du Soi reprĂ©sentet ainsi le Saint Graal pour le chercheur spirituel sincère et dĂ©terminĂ©,.
Ă€ cette dĂ©finition, j’ajouterais Ă©galement que toute ambition spirituelle contient en son sein l’idĂ©e d’une transcendance. Une transcendance du grossier vers le subtil, de l’infĂ©rieur vers le supĂ©rieur, du matĂ©riel vers le spirituel. Globalement, il doit s'agir d’une ascension. D’un cheminement par la verticalitĂ© partant du bas vers le haut. En quelques mots, d'une quĂªte sublime et transcendantale menant assurĂ©ment au bonheur suprĂªme.
Les instructeurs citĂ©s au-dessus prennent donc le parti de prĂ´ner une spiritualitĂ© simple, facilement accessible et sans effort. Estimant que la contrainte reprĂ©sente un obstacle quant Ă son attractivitĂ© auprès du grand public. Que pour sĂ©duire les masses, la spiritualitĂ© doive faire bonne figure au risque de dĂ©courager les prĂ©tendants, les rĂ©calcitrants. Qu’une pratique trop rigoureuse serait finalement autant aliĂ©nante qu’infantilisante. Bien. Entendu. Sauf qu’à travers cette vision, ils en oublient pour moi le plus important. L'essentiel. Le coeur. Que la spiritualitĂ© ne se destine pas en fait Ă ceux qui ne la recherchent pas vraiment ou qu’ils l’approchent seulement lorsque les choses vont mal dans leur vie, mais Ă ceux qui la dĂ©sirent sincèrement, intensĂ©ment, ardemment. Ă€ ceux-lĂ mĂªme qui souhaitent mener une vie diffĂ©rente et apprĂ©hender autre chose qu’une condition d’existence faite de souffrance et de dĂ©sillusion. Pour le vrai chercheur spirituel, la spiritualitĂ© n’est par consĂ©quent pas une lubie, mais une aspiration profonde, presque impĂ©rative. La facilitĂ© ou la complexitĂ© ne rentre pour lui pas en ligne de compte. Seule la nĂ©cessitĂ©, parfois urgente, d’une transformation intĂ©rieure et profonde les prĂ©occupent. Ces Ăªtre-lĂ sont de glorieux et vĂ©ritables aspirants, des chercheurs spirituels courageux et sincères. Ils ont bien conscience que le chemin menant Ă la libĂ©ration ultime et Ă la paix intĂ©rieure ne comporte aucun raccourcis. Aucun sentier de traverse. Aucun arrangement. Ils reconnaissent au fond d’eux que le bonheur suprĂªme se mĂ©rite, se gagne seconde après seconde, heure après heure, jour après jour. D’ailleurs, quel que puisse Ăªtre le terrain que l'individu souhaite explorer, un apprentissage implique toujours un engagement, une rigueur, une mĂ©thode, un certain nombre de sacrifices. Rien ne s’acquiert durablement sans en avoir la volontĂ© et la dĂ©termination. Apprendre Ă jouer de la guitare, maĂ®triser une langue Ă©trangère, Ăªtre performant dans un sport, construire une carrière professionnelle, entretenir une relation sentimentale qualitative, tout but nĂ©cessite un investissement personnel et considĂ©rable pour Ăªtre atteint. Pourquoi imaginer dans ce cas qu’il en serait autrement en ce qui concerne la spiritualitĂ© ? Que celle-ci devrait Ăªtre une chose aisĂ©e, ou pire encore, une chose biaisĂ©e ? Qu’il serait impĂ©rativement nĂ©cessaire d’abaisser cette magnifique philosophie sacrĂ©e Ă un niveau infĂ©rieur afin que les plus indolents daignent lui montrer un signe intĂ©rĂªt. Beaucoup de personnes paraissent enclines Ă investir un temps et une Ă©nergie consĂ©quente dans diverses occupations et centre d’intĂ©rĂªts quelconques et rechignent dans le mĂªme moment Ă accorder au moins autant d’importance Ă ce qui devrait compter le plus pour eux : le bonheur suprĂªme et la paix intĂ©rieure. Quel Ă©trange paradoxe ! Quoi qu’il en soit, la spiritualitĂ© ne se marchande pas. Elle ne se donne pas non plus au moins offrant. Lâ€™Ăªtre humain incarne certainement l’instrument le plus complexe au monde et le plus difficilement apprivoisable, tant son maniement amène rapidement Ă basculer dans les mĂ©andres de l’intime, du viscĂ©ral, de tout ce qui a trait Ă sa nature essentielle et sensible. Et pourtant, beaucoup d’entre nous souhaiterait malgrĂ© cela pouvoir le domestiquer en y consacrant le moins de temps et d’effort possible. Youtubeurs et podcasteurs le proclament, le promettent, abondent dans ce sens. Mais c’est une illusion. En rĂ©alitĂ©, le travail spirituel demande un vrai engagement, de la volontĂ©, du sĂ©rieux, de l’obstination, de la sincĂ©ritĂ©, de la foi. Dans une sociĂ©tĂ© au sein de laquelle nous entretenons un rapport d’immĂ©diatetĂ© et du moindre effort avec toute chose, nous sommes persuadĂ©s que nous pourrions pratiquer une spiritualitĂ© allĂ©gĂ©e, vidĂ©e de sa substance, calibrĂ©e juste comme il faut pour s’insĂ©rer avec docilitĂ© dans des emplois du temps surchargĂ©s par les injonctions du monde matĂ©riel. En regardant l’évidence en face, nous pouvons rĂ©aliser Ă´ combien cette vision est absurde. PuĂ©rile. IrrĂ©alisable. La plus grande expĂ©rience qu’il nous est donnĂ© Ă vivre ici bas ne peut en aucune manière s’envisager avec un esprit imprĂ©gnĂ© d’une telle mollesse et d'une telle tiĂ©deur. La spiritualitĂ© est une aventure palpitante, unique, aux desseins inĂ©galables et mĂ©rite Ă ce titre dâ€™Ăªtre empoignĂ©e avec passion et enthousiasme. La galvauder, c’est la dĂ©naturer, c'est se dĂ©naturer. C’est aller Ă l’encontre de l’essence mĂªme de ce qui nous caractĂ©rise en tant quâ€™Ăªtres humains assoiffĂ©s de libertĂ©, en tant quâ€™Ăªtres spirituels aspirants Ă la grĂ¢ce, en tant quâ€™Ăªtres de lumière ayant une soif de connaissance inassouvissable et Ă©ternelle pour l'ultime VĂ©ritĂ©.