
En dehors de certaines maladies et des chocs traumatiques, la plupart des souffrances qui nous affectent
régulièrement ne sont qu'illusions. En réalité, au sein du
monde matériel, il n'existe presque aucune souffrance établie,
inéluctable, objectivement incarnée et qui serait
perçue en tant que telle unanimement par la totalité des êtres
humains.
Pour qu’un phénomène,
quel qu’il soit, existe de manière fondamentale, il est
indispensable que ses attributs produisent une réaction de même
nature sur tout ceux et celles qui entrent en contact avec lui.
Qu’une approche empirique valide dans les effets observés un type de réponses et de sensations similaires de la part des sujets touchés. Or, nous savons très bien qu’une
même situation, aussi désagréable soit-elle, n’engendre jamais
les mêmes répercussions selon les individus qui y sont confrontés. C'est, entre autres, une question de tempérament, de parcours, d’environnement.
Ce qui signifie que si nous ne réagissons pas tous émotionnellement
de façon identique face à un même évènement, c’est que nous ne
sommes alors pas en présence d'une règle dite absolue, mais plutôt
face à un phénomène subjectif relevant d'une vue de l’esprit, d'une orientation mentale, d'une interprétation conditionnée.
À travers le prisme
de cette grille de lecture, si l’on observe bien, nous devons donc
confesser que la majorité de nos souffrances ne sont que le fruit de notre
imagination, de notre fantasmagorie mentale, de notre endoctrinement
culturel. Car d’une part, nous possédons un mental dont
la fonction essentielle ne se résume qu’à produire des pensées parasites responsables de notre agitation intérieure. Et d’autre
part, les sociétés dans lesquelles nous évoluons conditionnent
fortement, sur tous les fronts de notre personnalité, la manière
dont devons réagir face aux diverses circonstances de la vie. Quand pleurer, quand réfléchir, quand s’indigner, quand être heureux, quand subir, quand compatir, quand condamner, etc. Que
nous en soyons conscients ou non, le scénario de notre programmation
mentale et émotionnelle est entièrement écrit à l’avance pour la plupart des
situations.
Mais rassurons-nous,
il existe une sortie de secours idoine pour se soustraire de cet
engrenage infernal : le moment présent, l’état de pleine
conscience. Dans l’ici et maintenant, il n’existe absolument
aucune des perturbations énoncées ci-dessus. Il n’y a de place ni
pour l’interprétation, ni pour l’imagination, ni pour aucune divagation fallacieuse. Que celles-ci nous
soient avantageuses ou non. Qu’elles servent notre ego ou le
desservent. Dans la magie du moment présent, le terrain d’expression
de la souffrance n’est qu’une terre sèche et aride, résolument
incultivable. À perte de vue, pas le moindre doute, la moindre peur,
la moindre émotion délétère. Car la construction de notre
souffrance se fait principalement dans l’espace-temps qui
s’étire du passé jusqu’au futur et récolte toute son énergie
dans la prolifération de nos projections qui pullulent entre ces
deux points. S’ajoute à cela, nos désirs et espérances
contrariés, qui agissent comme un combustible attisant sans relâche
la braise de notre malheur. Épictète disait : « ce n’est
pas la réalité qui trouble l’individu mais la représentation
qu’il s’en fait. » L’origine de notre souffrance est
parfaitement et clairement définie dans cette citation. Plus nous
laissons libre cours aux multiples vagabondages de notre mental et
plus nous nous exposons à l’agitation intérieure et à la
propagation de désirs insatisfaits et contrariés. De cette insatisfaction nait
frustration et déception, le terreau principal de notre souffrance.
Finalement, si chacun d’entre nous faisait le compte de ses souffrances et triait celles qui relèvent du réel et celles qui relève de l’imaginaire, de l’illusion, nous nous apercevrions que bien peu d’entre elles appartiennent fondamentalement à la première catégorie. Les souffrances viennent, prennent place, s’appesantissent, incarnent un temps plus ou moins long le rôle principal du film dramatique projeté par notre mental, puis disparaissent ensuite pour revenir jouer la représentation suivante avec un autre costume. La programmation s’enchaîne ainsi indéfiniment. Si nous souhaitons réellement changer notre fonctionnement, ne plus subir les petites secousses de la vie comme de potentielles fins du monde, il n’en tient qu’a nous d’appuyer sur le bouton stop et de reconnecter notre esprit à notre dimension spirituelle, cette source intarissable de contentement et de sérénité intérieure.